Pour commencer, dites-nous, Madame la Présidente, c’est quoi cette histoire de cartes corporate et de dépenses personnelles qui fait jaser ? Dites-nous, c’est de l’info ou de l’intox ?!
Autre question : dans quelques semaines, un nouveau patron, une nouvelle patronne, de France Télévisions sera nommé par l’ARCOM. Madame Ernotte, êtes-vous candidate ? Beaucoup de salariés aimeraient vous entendre à ce sujet. Et nous aussi.
Vos deux mandats auront marqué notre entreprise. « Work in progress », « entreprise agile », voilà des mots que vous, Madame la Présidente, aimiez à prononcer lors des premiers CSE C que vous présidiez. Et nous avons dû être très agiles, nous, les salariés de FTV, même si certains aiment toujours à nous qualifier de « mammouths » ou de « dinosaures », juste parce que c’est facile.
Agiles, mais surtout laissés sans ressources face à votre volonté de transformer. Agiles et épuisés après 10 années de transformation à marche forcée.
Car vos projets, quels qu’ils soient, quoi qu’il en coûte, vous les avez menés jusqu’au bout. Dans la réussite comme dans l’échec. Des projets qui s’empilent, sans cohérence apparente. Sous couvert d’initiatives modernes et de réformes « stratégiques », la seule constante et le véritable objectif ont été la suppression d’emplois et de dégradation des conditions de travail.
Sous le vernis de l’innovation, notre entreprise s’est délitée. En guise de projet stratégique, le changement est érigé en doctrine : on saisit l’occasion, on tente un truc, on occupe le terrain, l’essentiel étant de bouger. Mais bouger, ne fait pas avancer.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Le « Work in progress » d’hier s’est transformé en « Work in regress ».
La Fabrique : la désorganisation et le démantèlement en marche. Le label crée en 2019, qui devait valoriser les savoir-faire de France Télévisions, n’aura servi qu’à masquer une réorganisation brutale et destructrice. Derniers épisodes de cette série à rebondissements : la suppression de deux vidéos mobiles, sans projet alternatif, et le transfert des équipes légères au réseau régional. Et ensuite, la restructuration, voire la suppression, des post-productions en région ? La direction de La Fabrique a toujours raison, même quand elle se trompe et qu’elle a tort, même quand elle erre d’un projet à l’autre, poursuivant en réalité un seul objectif : le démantèlement progressif de notre outil de fabrication pour supprimer des ETP.
France TV Studio : pendant que La Fabrique est déconstruite, France TV Studio grandit et s’impose comme le véritable bras armé du groupe.
Cette montée en puissance ne se fait pas au profit des salariés de FTV SA, mais bien à leur détriment. À Vendargues, où FTV SA et FTV Studio cohabitent sur le feuilleton, la confusion règne et la filiale fait la loi. Par exemple, quand des réalisateurs de FTV Studio exigent des salariés de FTV SA de travailler dans des conditions dangereuses, au mépris des règles de sécurité détaillées à longueur de Papripact.
Pire encore : la filiale s’invite désormais dans l’information, avec sa propre agence de presse, fabriquant du contenu journalistique pour France Télévisions. Des cases prestigieuses comme 13H15 le dimanche, Envoyé Spécial ou Complément d’Enquête sont peu à peu grignotées par cette sous-traitance interne. Et bientôt, France TV Studio ira même produire pour la concurrence, la future chaîne télé du groupe Ouest France.
En Outre-mer, la cible est identique : réduire les ETP, coûte que coûte, au mépris de nos missions et de leur sens. À force de coupes budgétaires et de restructurations, les moyens se réduisent, les équipes s’amenuisent jusqu’à rendre l’exercice de nos missions impossibles. Et pourtant, à chaque crise, l’émotion est là, affichée, jouée, communiquée, médiatisée.
# Mayotte… Mais que vaut cette émotion si elle n’est jamais suivie d’effet ? Les discours compatissants ne servent à rien quand, dans les faits, les suppressions de postes continuent et que les conditions de travail se détériorent jour après jour.
Pression et précarisation sont devenues, partout, les seules boussoles. Les cadres « non alignés » se désengagent. Des méthodes managériales brutales, qui ressemblent à du harcèlement moral institutionnel, un harcèlement récemment condamné par la Cour de cassation. Jamais il n’y a eu autant de départs pour inaptitude, de licenciements, jamais la marge d’erreur pour un salarié n’a été aussi faible. Un climat qui pèse sur les relations de travail, malgré les tentatives de communication folkloriques, autour d’un café, pour donner l’illusion du dialogue.
Madame la Présidente, bientôt, que vous soyez candidate ou non à votre propre succession, l’heure du bilan arrivera.