« C loin » de la déontologie. Quand l’intelligence artificielle utilisée dans les reportages trompe nos téléspectateurs

À France Télévisions, officiellement, on apprécie très modérément l’utilisation de l’IA générative à l’usage des rédactions, et notamment pour créer des images. La règle officielle, déclamée à l’envi par les responsables des rédactions et écrite dans une charte signée fin 2023 par le directeur de l’information : « Ces productions (NDLR : d’images générées par l’IA) doivent être pensées collectivement, validées, transparentes en interne, comme pour le public. Elles ne peuvent être des initiatives isolées. »

Nous en sommes loin. Visiblement.

Voici deux images générées par l’IA, apparues depuis quelques jours sur les antennes de FTV. Regardez d’abord cette image. À vous de deviner de quoi il s’agit.

Cette image est supposée être celle d’une classe dans une école de Mayotte. Elle a été diffusée, lundi dernier, dans « C pas si loin », la nouvelle émission de France 5, produite par la société Eden Press, pour assurer une meilleure visibilité à l’Outre-mer. Et quelle visibilité ! Totalement stéréotypée.

Certes, il a été précisé dans le lancement à l’antenne, que le sujet a été fabriqué avec de l’intelligence artificielle. Certes, si vous plissez les yeux tout en prenant une loupe, vous verrez, peut-être la mention en bas à droite de l’image, qui le stipule.

Mais cette image est pleine de clichés aux relents coloniaux. Elle véhicule tous les stéréotypes possibles en vigueur sur le web, générés par les algorithmes. Les élèves sont bien sages, portent tous un uniforme blanc, on les entendrait presque réciter «nos ancêtres les Gaulois ». Les filles, elles, ont quasiment disparu de la salle de classe. Certains élèves ont trois bras, les mots écrits au tableau sont probablement en caractères araméens.

Des détails, sans doute, puisque l’énorme avantage de ces images générées par l’IA, est que ces dernières sont fausses mais gratuites. La question des droits d’auteurs restant non résolue. Infiniment moins chères que de vraies images, tournées par de vrais journalistes de France TV…

Deuxième image, diffusée dans C pas si loin, le jeudi 16 janvier. À vous de deviner où nous sommes :

À en croire la voix off, nous sommes en Guyane et l’image est supposée représenter « les habitats insalubres construits à l’orée des villes de Guyane ». C’est bien connu : les villes guyanaises ont toutes des skylines dignes de Manhattan ou à La Défense.

Ces images sont fausses, orientées, virtuelles. Elles génèrent des biais cognitifs. Elles sont tout sauf de l’information. Elles en sont même le contraire. Indignes de notre mission de service public qui est, entre autres choses, de lutter contre les Fake News. Pas d’en produire ni d’en diffuser.

Ces contenus ont-ils été « pensés collectivement, validés » ? Ou alors sont-ce des «initiatives isolées ». Qui a commandé ces « reportages », si nous pouvons réellement les nommer ainsi ? FTV est-elle au courant qu’Eden Press a recours à l’IA générative pour ses reportages ? Qui a validé cette émission ? Qui est responsable éditorialement ?

À l’heure, où FTV, ne s’est toujours pas dotée de charte encadrant l’IA, posée parait-il sur le bureau de la présidence depuis des mois, la CFDT vous alerte sur ses dérives, déjà à l’œuvre sur nos antennes. Et exige des réponses, cruciales.

Y a-t-il une intelligence non-artificielle à FTV qui nous répondra ?


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