Samedi 23 novembre, le rédacteur en chef adjoint en charge du JT de midi du jour envoie une équipe sur le témoignage d’une femme victime de violences conjugales. Il veut un sujet d’1’30 pour illustrer la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes le 25 novembre.
Un tel témoignage, même s’il est calé, demande du temps : discuter, gagner la confiance de la victime, faire l’interview et les images. La victime veut rester anonyme, il faudra donc en plus compter, dans la fabrication du sujet, le temps nécessaire pour qu’une collègue prenne dans sa voix le témoignage de la victime, conformément à la procédure interne d’anonymisation.
L’équipe arrive sur place à 10h30. Le tournage est réduit à une grosse demi-heure. Le montage commence à 12h avec les éléments envoyés par Aviwest. Il faut faire vite car le sujet doit faire l’ouverture à 12h25 ! Le rédacteur en chef adjoint vient en salle de montage et constate que le chef d’édition retranscrit manuellement les verbatim pour le doublage. Il propose l’aide d’un logiciel d’IA pour faire ce travail. Mais l’IA déformant certains mots, le risque déontologique étant évident, le chef d’édition refuse.
Quand le témoignage arrive enfin au mixage, le JT va bientôt commencer. La rédactrice chargée du doublage n’a même pas le temps d’écouter les deux extraits d’interview qu’elle va lire. Refus du rédacteur en chef adjoint : PAS LE TEMPS ! Elle découvre les textes, les enregistre en une seule passe, mais pas dans le bon tempo. Elle pense avoir le temps pour un deuxième essai, nouveau refus : PAS LE TEMPS, on valide et on envoie !
Il est 12h23 et ce sujet doit faire l’ouverture coûte que coûte, quitte à sacrifier la qualité éditoriale et technique.
Le résultat antenne est un outrage au témoignage. Pas de son d’ambiance car le mixeur a été contraint de bâcler son travail, gros silences dans la version dite par notre consœur qui a lu son texte sans repères, et le sujet n’a même pas pu faire l’ouverture ! Cerise sur le gâteau : le rédacteur en chef adjoint, lors du débriefing, a fait remarquer au chef d’édition qu’il n’avait pas su gérer le stress… que lui-même avait généré par son choix éditorial !
La mauvaise appréciation du temps de fabrication par le cadre a conduit à des conditions de travail dégradées, à du stress, à une validation éditoriale d’un sujet bâclé et au non-respect de nos téléspectateurs et de la cause des femmes. Ce type de management doit cesser ! Le dialogue entre l’encadrement et les équipes doit être réel, et nous devons partager un même but : offrir des éditions de qualité à nos téléspectateurs !