Au programme, initialement, de ce CSE Central extraordinaire : la présentation par la Présidente de FTV Delphine Ernotte du projet stratégique de FTV pour les années à venir, avec une information-consultation de l’instance. A l’arrivée… une « feuille de route », qui déroule des concepts, une vision pour les cinq prochaines années.
Une vision élaborée par le « top management » de l’entreprise, avant la nomination de la nouvelle Ministre de la Culture. Nomination qui est venue chambouler le calendrier : en effet, FTV ne va pas imposer à Rachida Dati un plan stratégique qu’elle ne partagerait pas… Or, depuis, notre Ministre s’est exprimée à de multiples reprises sur l’audiovisuel public et notamment sur un « rassemblement » des entreprises publiques (une holding ?), sur des coopérations entre entreprises, sur nos missions. Un débat politique qui nous dépasse, c’est le message de la Direction, mais qui ne doit pas paralyser FTV. Alors, nous explique Delphine Ernotte, « Holding, fusion, on n’en sait rien, mais en attendant, les grands enjeux demeurent. Et l’audiovisuel fort, c’est aussi nous qui devons dire comment on le voit : nous proposons une vision à 5 ans, qui n’est pas questionnée aujourd’hui par la ministre, et les 1ères actions à mettre en œuvre ». Et de préciser : « j’ai toujours défendu le rassemblement des forces de l’audiovisuel public, la Ministre a raison, et le rassemblement n’est pas une fin en soi mais un moyen d’être plus fort ». Sur la holding : « Un projet de changement de gouvernance prend des mois et des mois. Dans notre contexte, on ne va pas rester les bras ballants et les deux pieds dans le même sabot, on doit continuer à travailler sur nos fondamentaux ». Les orientations stratégiques pourront être définies pour 2024.
Le CSE C demande donc une information régulière de l’instance sur l’avancement des projets de la direction, et vote une résolution (à lire ICI), et la Présidente répond favorablement à cette demande.
De plus, le CSE C demande que les orientations stratégiques lui soient présentées tous les ans, pour information consultation, et cela dès 2024 : là aussi, la Présidente y est favorable.
A défaut de plan stratégique, c’est donc une feuille de route qui est présentée, comportant trois axes, des « enjeux » : France Télévisions, un pôle de confiance: quelle est notre place demain dans l’univers informationnel ? Notre « résonnance » avec la société, notre poids et notre influence sur le linéaire et sur le numérique. Et enfin, FTV en tant que média citoyen et entreprise exemplaire.
LA CONFIANCE
La direction se base sur une enquête d’opinion, selon laquelle les Français se méfieraient des médias et seraient en quête de sens. Nous devons, explique Delphine Ernotte, créer le réflexe, sur l’info, du « qu’en dit FTV », parce que l’info vraie serait donc sur FTV : « le 20H, c’est encore l’endroit où on vient vérifier si l’info est vraie ». Même si, pour la Présidente, nos audiences ne sont pas suffisantes, notre positionnement, lui, est bon.
Pour l’info sur le numérique, selon la Présidente, c’est FranceInfo qui détiendrait le leadership. Et FTV doit avoir pour objectif de devenir leader pour l’info sur les réseaux sociaux aussi.
Ensuite, Delphine Ernotte estime que nous devons travailler plus et mieux avec Radio France, face à la concentration des médias audiovisuels privés, et mieux connaitre nos publics, qui sont très variés : « Chaque personne doit pouvoir se dire que FTV lui parle. Or, 75% des Français ont l’impression de ne pas être compris par les médias. Il faut se doter des outils de data et de marketing pour mieux connaitre les publics, et savoir utiliser ces outils » : après les JO, l’organisation du numérique et du data sera un sujet pour FTV. Il s’agit aussi de faire des choix éditoriaux en segmentant nos publics, et mieux angler nos choix.
LA RÉSONNANCE AVANT L’AUDIENCE
France Télévisions doit devenir une entreprise Data – c’est le souhait de la Présidente.
40% du trafic sur FranceInfo provient du réseau F3, et les Outre-Mer représentent une part croissante de la puissance du site : « les réseaux (régions et Outre-Mer) sont des éléments de différenciation ».
France.TV a quant à elle connu la plus forte progression ces dernières années, mais reste ancrée sur le linéaire et est trop éclatée. FTV doit l’ouvrir à la « conversation » et aux textes, pour devenir un média vivant. Les JO sont une opportunité pour cela.
Sur le numérique, explique Delphine Ernotte, il faut affiner nos publics cibles et notre couverture pour arriver à des visites quotidiennes. Conquérir les jeunes publics, aussi, les comprendre et apprendre à leur parler, être plus présents sur les plateformes de partage, travailler avec des jeunes, par exemple des classes, pour connaitre leurs besoins, souhaits etc. L’investissement dans les contenus jeune public sera triplé d’ici à 2030, avec « les bons contenus sur les bons canaux avec les bons codes ».
Il faut aussi, nous dit-elle, mieux mettre en avant nos produits, y compris sur You Tube (alors qu’auparavant, la direction avait décidé de ne plus être présent sur cette plateforme) les documentaires par exemple, sur réseaux sociaux et accompagner les réalisateurs pour fabriquer des programmes courts de présentation.
« La création française, avec les fictions, l’animation, les spectacles, les sports (FTV a les droits pour les JO jusqu’en 2032, c’est une chance !) doivent être soutenus par FTV avec de l’investissement et de la diffusion car c’est notre singularité. » L’audience ne serait pas notre enjeu principal. Et la création, les sports, les événements en régions seront mieux exposés dès la rentrée de septembre 2024. La Présidente souligne que FTV ne diffuse plus de séries américaines depuis 3 ans.
Stéphane Sitbon-Gomez, directeur des antennes et des programmes, estime qu’il ne faut pas confondre audience et puissance. « Dans un monde qui change, la popularité de nos contenus ne se résume pas à une PDA et à des pourcentages sur un marché décroissant ». La puissance ne peut donc plus se mesurer en part d’audience, mais elle se manifeste par la capacité à créer « des contenus qui parlent à la société ».
La Feuille de route présentée propose un renforcement de la coopération avec France Bleu, par un projet éditorial commun avec France 3, et un regroupement des deux entités sous la marque ICI : « une marque commune de la proximité », en septembre 2024. Mais « le local, ce n’est pas que l’info, il y a des évènements à couvrir, il faut développer la couverture ensemble avec France Bleu ». En septembre 2024, des indicateurs chiffrés de visibilité des productions régionales dans les offres nationales seront mis en œuvre.
La Cfdt souligne que pour le moment en tout cas, la marque « ICI » ne signifie rien pour nos téléspectateurs. Ils s’identifient encore à leur antenne régionale, et pas aux grandes régions ou à ICI ! Delphine Ernotte explique qu’il ne s’agit pas de transformer France 3 en ICI, et qu’elle travaille avec France Bleu sur le nom des différents sites régionaux.
Concernant les Outre-Mer, la direction aborde le pacte de visibilité, l’existence des diasporas d’ultra marins, et le contexte avec des médias locaux puissants…
FTV se dote d’un nouveau site de production en Occitanie dans le cadre de France 2030, et souhaite ouvrir les studios de Vendargues à des tournages qui ne seraient pas pour FTV. Ces studios vont bientôt être transférés à une SCI portée par FTV studio. Le producteur intéressé par ces studios pourra les louer et travailler, s’il le souhaite, avec les moyens de La Fabrique, mais pas obligatoirement.
UN MÉDIA CITOYEN, FTV ET L’EXEMPLARITÉ
La transparence de l’info est essentielle : « dire comment on fait, se donner les moyens de rectifier les choses quand on est attaqué ». Nous devons aussi créer des « liens plus émotionnels avec les publics » : rencontrer « en vrai » les téléspectateurs, et mieux écouter les représentants de la société civile, les associations par exemple.
FTV doit être plus efficient – et attention, nous explique Delphine Ernotte, il ne s’agit pas de productivité – c’est-à-dire travailler efficacement et mieux, faire un diagnostic partagé sur les process pour s’améliorer. Planification optimisée, nouvelles pratiques, évolutions technologiques et intelligence artificielle, doivent être mis au service du maintien de nos activités en interne : nous devons nous former, évoluer, bouger. Même si, intervient Christian Vion, DGA gestion, production et moyens, « on est dans une démarche d’amélioration continue ; les équipes sont fatiguées, et on en est conscients. Mais nous voulons améliorer le fonctionnement de FTV, en tenant compte de l’état des équipes. C’est un paramètre essentiel » Mais il faut qu’on bouge, ne pas rester en standby ». « Nos activités peuvent être toutes améliorées, la nécessité de le faire tout de suite c’est aussi d’être convaincant pour le financement de l’audiovisuel public et continuer à nous transformer. »
Le cadre social – nos accords d’entreprise : « on ne démoli rien, on a un accord collectif qui a plus de 10 ans, depuis il y a une évolution des métiers, des technologies et des attentes qui ont changé. La société évolue, nous devons faire un état des lieux et voir si on est dans le mouvement normal, ou en écart, voir ce qui n’est plus actuel ou ce qu’il fait discuter ou ajouter ». Un état des lieux sera fait au printemps 2024, en septembre suivra une négociation sur le déploiement du projet d’entreprise. Et dans la période 2025-2028, un nouveau pacte social sera négocié.
Mais les élus préviennent : un pacte social ne peut pas se construire sur la démolition des acquis sociaux. Et d’abord, est-ce bien raisonnable de commencer à travailler sur un nouvel accord alors que de gros changements de structure pourraient intervenir dans l’intervalle, avec une holding, voire une fusion de l’audiovisuel public ?
La Direction affirme qu’elle ne souhaite pas dénoncer notre accord collectif, mais qu’elle veut négocier, avec les partenaires sociaux, les chapitres à revoir. L’accord collectif de FTV a plus de 10 ans et la direction estime qu’un certain nombre de ses dispositions doivent être revues. D’autant que, toujours selon elle, les écarts sont importants entre les dispositions appliquées à FTV et celles qui existent dans le reste de l’audiovisuel français, notamment sur l’organisation et le décompte du temps de travail.
Le cadre financier : nos financements sont liés en partie à notre capacité à nous transformer. L’inspection Générale des Finances doit rendre un avis, et le Contrat d’objectifs et de Moyens de FTV n’est pas encore prêt.
La Cfdt rappelle que la Présidente a annoncé 200 millions d’économies en 4 ans, dont 100 millions sur les charges de personnel, très clairement, y aura-t-il un plan social à FTV ? Un nouveau plan de départ volontaire ?
Cette fois, c’est la DRH FTV, Isabelle Caroff, qui répond : pas de plan social économique de prévu, et à date, pas de plan de départ volontaire non plus… « Mais on ne se l’interdit pas ». Un diagnostic social est prévu au printemps, pour comprendre qui fait quoi, comment, pourquoi, et où seraient les marges de manœuvre. Delphine Ernotte souhaite simplifier les modes de travail, avec plus de transversalité et moins de silos, et clarifier les responsabilités managériales.
Concernant les 200 millions d’économies, il ne s’agirait pas d’une baisse du budget total, mais de redéploiements de budgets pour pourvoir faire les investissements nécessaires au développement de FTV et pour couvrir l’inflation.
La transition environnementale est un sujet aussi, puisque FTV doit réduire ses émissions carbone. Notre activité a généré en 2021 l’équivalent de 37 980 aller-retour Paris – New-York en 2021, en émissions CO2 ! L’effort sera porté par tout FTV, y compris par les prestataires qui travaillent avec nous: il n’est pas question de réduire nos émissions carbone en les déportant sur d’autres !
Voici donc le CSE informé de la feuille de route imaginée par la Direction de FTV pour notre entreprise pour les 5 prochaines années.
Et maintenant ? La Ministre de la Culture a annoncé rencontrer rapidement les patronnes de l’audiovisuel public, le Contrat d’objectif et de moyens, c’est pour ce printemps, et FTV va mettre en œuvre sa feuille de route dans quelques semaines.
Les élus Cfdt du CSE C, et les élus des instances locales CSE et RP seront vigilants quant aux dispositions mises en place et leurs conséquences sur les organisations et conditions de travail, sur l’activité et sur l’emploi. Pour éviter qu’en l’absence de cap (à savoir, un plan stratégique découlant d’un COM), les chemins que nous empruntons ne mènent à nulle part.
Vos représentants au CSE C :
Pascal Lefebvre et Yvonne Roehrig, Réseau F3 ;
Christian Vigneau, CSE Saint Pierre et Miquelon ;
Jean-Yves Poirier, CSE Guadeloupe ;
Majid Bensmail, Représentant syndical, Malakoff.