Le printemps bat son plein sur nos antennes. Le retour au jardin, les premières asperges, les fermes-auberges, le changement d’heure. Dans la rue, il bat encore plus fort, dites donc. Ça tabasse oui.
En marge ou pas des manifestations contre la réforme des retraites : des violences policières, n’ayons pas peur des mots.
Strasbourg n’échappe pas à la règle. Ici comme ailleurs, ce ne sont pas des asperges qui poussent mais des aspergés qui sont repoussés à grands jets de gaz lacrymo. Mais de ceux-là, nous n’en parlons pas.
Pourtant, sur le web, nos sujets sur les manifestations fleurissent : « Réforme des retraites, manifestations, 49.3, débordements, comment en parler à nos enfants ? » « Après les dégradations en marge des manifestations contre la réforme des retraites, les commerçants s’inquiètent ». « Strasbourg : 17 interpellations et des dégradations en marge de la manifestation de la réforme des retraites. »
Mais les violences policières condamnées par les associations de défense des droits de l’homme, ce ne sont pas nos (sales) affaires. Parti pris ou manque de clairvoyance ? Notre déontologie en prend un sale coup, elle aussi.
La nasse mise en place le lundi 20 mars, en plein centre-ville de Strasbourg, qui a pris entre 50 et 80 manifestants (des jeunes pour la plupart, et pas des black bloc) en étau, gazés, aspergés, apeurés… Est passée totalement sous silence. Circulez, y a rien à voir.
Le député LFI Emmanuel Fernandes fait un signalement auprès de la Procureure de Strasbourg ? L’entendez-vous ? Silence TV.
Une semaine plus tard, des bombes lacrymogènes tombent dans la cour de récréation d’une école du centre-ville à l’heure de la sortie des classes. Les vidéos des parents tournent sur les réseaux sociaux, les témoignages d’incompréhensions affluent, que faisons-nous ? Oooooh ! Le forum de l’alternance.
Remarquez, les autres le font si bien.
Et c’est vrai, l’enquête de Rue 89 sur ces incidents graves est détaillée, fouillée. Un vrai travail de terrain, journalistique. Même Pokaa, les petits jeunes au ton badin, s’y sont mis. Ils ont fait le job.
Et nous, l’avons-nous fait, notre travail ? Celui de comprendre la colère sociale, les manifestants, une partie de notre public en somme ? Celui aussi d’exposer voire dénoncer (oulala) des faits d’une violence inacceptable en démocratie ? Bref informer ?
Non certainement pas ou très partialement.
C’est sûr, avec les asperges, on tape en plein dans le mille. Une information « joyeuse et apaisante » comme nous le souhaitent pour l’avenir Delphine Ernotte et Sybille Weil dans la note tombée du camion en début d’année. Là on est bien, ouais. Les asperges aujourd’hui, les fraises, la rhubarbe demain – l’actu, celle qui concerne la « foule » là maintenant, attendra.