C’est un CSE C extraordinaire demandé par les élus, avec un seul point à l’ordre du jour :
« Information sur le projet de rapprochement des réseaux France 3 et France Bleu et ses conséquences organisationnelles, économiques et sociales – Vote d’un mandat pour ester en justice pour délit d’entrave ».
En effet, comme tous les salariés de France Télévisions, c’est par la presse et des communiqués syndicaux que les élus ont découvert une note, un compte-rendu d’un séminaire auquel ont participé les présidentes de France Télévisions et de Radio France.
Un compte-rendu explosif, puisqu’il détaille les projets des deux présidentes pour Radio France et FTV à savoir les réseaux régionaux de France 3 et France Bleu : des rapprochements, qui vont jusqu’à imaginer des directions territoriales communes, des polyvalences des équipes, des synergies éditoriales, des sites communs… Le tout, écrit au futur, et signé par les deux présidentes. Le tout, sans information préalable des élus des deux entreprises, sans études des impacts sur nos organisations, nos conditions de travail, nos identités respectives. (Lire notre liminaire ICI)
Alors ce mardi 14 février, c’était « opération déminage » dans les deux entreprises, lors de CSE Centraux extraordinaires.
Delphine Ernotte, la PDG, Christophe Tardieu, le Secrétaire Général de France Télévisions, Stéphane Sitbon-Gomez, le Directeur des Antennes et des Programmes, ainsi que Philippe Martinetti, le Directeur du Réseau France 3, se sont expliqués devant les élus du CSE Central de France Télévisions.
Tout d’abord, le contexte…
Selon Delphine Ernotte, il s’agit d’une note établie dans un contexte de discussion de la trajectoire financière pour l’audiovisuel public et, en parallèle, d’une demande de la Ministre de la Culture concernant la poursuite des coopérations de l’audiovisuel public, dans la perspective de la négociation des Contrats d’Objectifs et de Moyens (COM) des deux entreprises pour la période 2024-2028. « Logiquement, on a imaginé comment on se voit dans 10 ans, pour donner cette vision à la Ministre. Il n’y a pas de projet de fusion, ce mot n’apparait pas dans cette note », explique Delphine Ernotte. Tout en ajoutant – et elle ne s’en est jamais cachée – qu’elle est favorable à une telle fusion, qui n’est pas, assure-t-elle, à l’ordre du jour.
Parce que c’est ce que nous tous avons compris, en lisant cette note : à terme, c’est une fusion qui serait visée. Tout au long de ce CSE C, la Direction s’est donc évertuée à déminer le terrain : « s’il y a un mot qui n’apparait pas dans cette note, c’est bien le mot fusion » (S. Sitbon-Gomez).
Pourquoi cette note ?
La direction explique qu’elle est censée consolider les demandes budgétaires des deux présidentes, qu’il faut prouver que les deux entreprises savent travailler ensemble, qu’il faut présenter une unité face à la tutelle… Et que, s’il pourra y avoir des projets organisationnels, ce qui compte avant tout, c’est la coopération éditoriale. Et cela, affirme la direction, n’est pas un « plan caché » : cette volonté est réelle et mise en œuvre depuis plusieurs années.
La note va un peu plus loin, poursuit la direction, en imaginant une « marque commune et unique de la proximité », dans un soucis de « cohérence et de complémentarité ». Cette note poserait donc, conclue t’elle, les bases d’un plan de développement, pas d’un plan d’économie ou de réorganisation.
Et, selon le Directeur du Réseau F3, ce n’est pas nouveau : il cite en exemple des opérations communes France 3 / France Bleu, comme l’enduro du Touquet, produit ensemble pour les deux médias. Et si la note évoque la création de Directions territoriales, ce serait pour coordonner deux réseaux qui ne sont pas organisés de la même manière sur le territoire, pas pour créer des directions communes. Et la polyvalence évoquée dans la note concernerait le maillage territorial, la complémentarité et la coopération dans la couverture des territoires et des événements. La direction l’affirme, le GIE qui a été constitué il y a quelques mois avec France Télévisions et France Bleu a pour seul objectif de garantir que les décisions prises soient consensuelles.
Et le projet TEMPO / ICI, dans tout cela ?
Pour les élus, le travail de l’équipe projet sur les éditions régionales est remis en cause par ce renforcement de la coopération entre les deux réseaux, puisque le cadre change : là où jusque-là, on ne parlait que des stations régionales de F3 et de leurs JT, la coopération avec France Bleu va élargir le spectre : intégrer des sujets du national dans les JT régionaux, mais aussi intégrer des interventions « radio » ? D’autant que la note mentionne la création de studio « bi -usage » ?
La direction estime que TEMPO / ICI ne sera pas impacté par la note, que les JT régionaux ne seront pas touchés par une coopération avec France Bleu. Et les studios « bi usage » ? Ils permettraient simplement à France 3 de diffuser les matinales filmées de Radio France, d’être « plus flexibles et plus efficaces ».
Quant à l’élargissement de la réflexion sur les coopérations à tout l’audiovisuel public, évoquée dans la note qui cite France Médias Monde ou encore l’INA : Germain Dagognet, qui a fait son entrée à FTV dans le cadre de la création de FranceInfo, est chargé de réfléchir aux synergies avec tout l’audiovisuel public.
Après deux heures de débat, les élus du CSE C ne sont pas convaincus.
Mandat a été donné au secrétaire de l’instance de faire procéder à une analyse juridique de ce dossier, afin de déterminer si le CSE C doit ester en justice pour entrave.
Il a également été donné mandat au secrétaire du CSE C d’ester en justice pour demander la suspension du projet Tempo, tant que les impacts des rapprochements et coopérations avec Radio France sur ce projet de régionalisation de l’offre info de France 3 ne sont pas évalués et présentés aux instances. (Lire la résolution ICI)