Le coup de bâton de trop
La CFDT est par principe disposée à échanger sur les projets de développement du maillage territorial et de la visibilité des régions. Penser l’audiovisuel de demain, par le prisme du global média « télé, radio, Web » a du sens.
Voyez-vous Madame la présidente, nous ne sommes pas opposés par principe aux projets de développement régionaux et de rapprochement. Nous trouvons même que ça peut avoir du sens.
Mais pour en parler, encore faut-il que vous soyez disposée à nous exposer clairement les plans stratégiques de l’entreprise.
C’est une info découverte dans la presse vendredi 10 février. Les présidentes de France Télévisions et de Radio France auraient, au cours d’un séminaire fin janvier, décidé de resserrer les liens entre les réseaux France 3 et France Bleu. Un plan stratégique commun, des directions régionales uniques, un projet éditorial commun, des implantations communes, la polyvalence des équipes, des studios bi-usage.
L’information nationale est, elle aussi, évoquée : l’acte II de France Info, ce serait aussi un renforcement et un élargissement des coopérations entre FTV et Radio France.
Deux documents circulent, avec de légères différences. L’un non signé par les présidentes, l’autre signé. Quelle est leur valeur ? Que signifient-ils ?
Les organisations syndicales de l’audiovisuel public sont régulièrement auditionnées par les parlementaires. Chaque fois, la question de la holding nous est posée. Celle des synergies et mutualisations avec Radio France. Chaque fois, nous répondons que la radio et la télévisions sont deux médias différents. Que les synergies sont possibles, notamment sur le numérique, mais en permettant à chaque entreprise de garder son identité, ses méthodes et organisations du travail.
Vous, direction, êtes interrogés de la même manière. Les documents diffusés ce vendredi semblent répondre à la demande pressante des parlementaires et de l’Etat actionnaire : économies, synergies, mutualisations. Sans dire pourquoi ou comment on fait. Sans évoquer les conséquences sur les personnels, les métiers, les organisations de ce projet.
Nous, nous nous interrogeons. Et nous constatons que les projets déjà lancés à France Télévisions servent ce dessein de rapprochement étroit, voire de fusion ! Du réseau de France 3 avec celui de France Bleu.
Il y a en Guyane une expérimentation d’un studio « Hub » radio TV. Ça tombe bien…
Il y a Tempo / ICI : d’ailleurs, allez-vous le réécrire, en y intégrant les moyens et les rédactions de France Bleu ?
Il y a les régies automatisées, Openmedia, le NRCS, des outils également utilisés en radio…
Il y a aussi la suppression des éditions nationales de France 3, censées permettre aux équipes du national de travailler « sur le temps long », pour les éditions régionales… Mais ne vont – elles pas, simplement, basculer sur FranceInfo et son « acte II » ?
Tout cela, était-il prévu, alors même que les CSE et le CSE Central ont été où sont encore en phase de consultation sur ces projets, sans avoir connaissance du projet global que nous découvrons par le hasard d’un document.
Voyez-vous Madame la Présidente, nous sommes les représentants des salariés de cette entreprise et à ce titre nous n’acceptons pas que les décisions qui nous concernent se prennent sans nous.
Comment croire que les rapprochements n’auront pas d’effets sur l’emploi, et les conditions de travail ?
Que vont devenir les postes administratifs et supports ?
Que vont devenir les postes de techniciens que vous abordez depuis plusieurs années comme une variable d’ajustement par la poly-compétence et l’automatisation ?
Que vont devenir les journalistes ? Comment travailleront-ils demain ?
Un rapprochement entre France Bleu et France 3 pourrait avoir du bon…. Mais pour qui ?
Pour observer des processus de fusion depuis longtemps, nous constatons à chaque fois, qu’il y a un ou des « mangeurs » et un ou des « mangés ». Dans ce cas d’espèce, qui est capable de prédire clairement quelles seront les conséquences de vos ambitions ?
Vous nous devez des explications. Parce que les salariés de France Télévisions ce sont pris un gros coup de bâton sur la tête ce vendredi. Le coup de bâton de trop.
France Télévisions, comme Radio France, c’est un bien commun. On ne décide pas du bien commun, ni du destin de milliers de salariés, lors d’un séminaire entre Présidentes.
Le résultat de vos ambitions pourrait être un des pires plans sociaux de l’audiovisuel Il pourrait également entrainer les salariés dans une structure dépourvue de tout accord conventionnel.
Alors Madame, vous comprendrez, qu’au regard des circonstances, la Cfdt va aborder les projets de transformation et de rapprochement avec méfiance et peut-être même avec défiance.
Nous attendons donc vos explications, vos réponses, et un engagement fort…