Liminaire CSE Siège – 18 & 10 mai 2022 : la CFDT dit non à la suppression de la redevance !

Redevance : faire tourner un peu plus la vis sans fin…

C’est un dossier sur lequel le président fraîchement réélu se déclare prêt à agir vite, d’ici l’automne, disent certains…  La suppression de la redevance, présentée durant la campagne par le président candidat comme une mesure de pouvoir d’achat… De quoi susciter la plus grande des inquiétudes chez les salariés de l’audiovisuel public.

D’abord, parce que cette déclaration, frappée comme bien d’autres au coin du “et en même temps”, a tout de l’injonction contradictoire… Une nouvelle fois, l’annonce de cette suppression se fait contre la promesse d’une compensation de la perte de cette recette, qui représente l’essentiel de notre budget comme de celui de Radio France… On ne voit donc pas vraiment, si cette promesse était tenue, ce que le contribuable aurait à y gagner. Pour ce qui nous concerne, en revanche, la prudence nous dicte de nous en tenir à la fameuse maxime selon laquelle “les promesses n’engagent que ceux qui les croient”, tant l’Etat a déjà manqué à sa parole par le passé.

Méfiance donc, et méfiance surtout, face à ce que cette décision représente sur le fond. Supprimer la redevance, c’est couper le lien direct qui existe entre l’audiovisuel public et le peuple français. La redevance, parce qu’elle est une ressource directement affectée au fonctionnement des chaînes et radios de service public, nous oblige vis-à-vis de chaque français qui s’en acquitte.

A ce titre, notre actionnaire n’est pas l’Etat, mais l’ensemble de nos concitoyens, qui financent par un effort annuel de 138 euros, l’essentiel de nos programmes.

La redevance, une garantie démocratique.

A ce titre, reprendre la main sur notre principale ressource ne revient pas seulement à nous priver d’une visibilité budgétaire au long cours, mais également à remettre en cause les fondements de notre modèle éditorial. La redevance nous rend, parce qu’elle est acquittée par chaque citoyen, nous aussi redevables vis à vis de tous.

Ne transformons pas un audiovisuel public dont tous les Français sont les petits porteurs, en télévision d’Etat, dont les ressources ne seraient à la main que de quelques-uns, et dont nous courrions le risque de devenir les obligés. Il en va de notre indépendance, qui est aussi le gage pour ceux qui nous regardent de notre impartialité.

Dans toute l’Europe, la redevance fixe plus qu’une règle de financement : elle est d’abord une règle du jeu démocratique. Pour cette raison, la plupart de nos voisins ont fait le choix de la maintenir, et même de l’augmenter. C’est par exemple le cas de l’Allemagne, à laquelle nos gouvernants aiment nous comparer quand ça les arrange… 

Outre-Rhin, chaque Allemand, qu’il possède ou pas un poste de télévision, s’acquitte aujourd’hui d’un peu plus de 18 euros par mois au titre de cette redevance. Au fil des ans, son assiette comme son montant ont été confortés, pour donner à l’audiovisuel public allemand les moyens de ses ambitions, en cohérence avec l’objectif affiché de transformation numérique des contenus. 

Cette ambition de transformation, que nos gouvernants disent partager, ne s’est accompagnée en France d’aucune revalorisation de nos moyens. C’est même tout le contraire… Rappelons, c’est toujours utile, que lors du quinquennat précédent, son montant a été unilatéralement abaissé d’un euro à l’initiative du ministère des comptes publics… Les Français n’y ont probablement vu que du feu… Qu’ils sachent de quoi ce minuscule euro a été synonyme, quel goût amer il a laissé à tous ceux qui se battent quotidiennement pour faire exister l’audiovisuel public ! Une nouvelle fois, la compression toujours plus forte de notre masse salariale et de nos effectifs, en a été la contrepartie. Avec son cortège d’épuisement, de mal être et de perte de sens pour beaucoup d’entre nous, qui subissons depuis bientôt 15 ans cet interminable plan social.

Ne rougissons pas de notre redevance !

Au fond, d’ailleurs, pourquoi faudrait-il supprimer la redevance ? Pourquoi ne pas la mensualiser, tout simplement, comme les abonnements Disney +, Spotify,  Sports, Canal + ou Netflix, dont les français ont pris l’habitude ? La prélever à la source en même temps que l’impôt sur le revenu ?

Et puisqu’il est question avec cette suppression de rendre du “pouvoir d’achat” aux français, qu’il nous soit quand même permis de signaler qu’à lui seul, un abonnement standard à Netflix, désormais fixé à 13 euros 50 par mois (près de 40% d’inflation en 10 ans !), revient à l’année environ 25 euros plus cher que la redevance ! Les chaînes de télévision et de radio publiques produisent et diffusent chaque jour 100 fois, 1000 fois plus de contenus que les plateformes.

Toutes leurs émissions sont produites sur notre territoire. Elles emploient directement près de 10000 personnes, et indirectement bien plus encore. L’audiovisuel public, qui plus est, paie tous ses impôts en France.

Alors en quoi cette redevance pose-t-elle problème ? Faudrait-il l’invisibiliser un peu plus pour aider les plateformes à augmenter leurs propres tarifs ? Aucun Français n’a à y gagner !

En continuant d’afficher, contre toute évidence, et au mépris de toutes les remontées de terrain d’un audiovisuel public, déjà exsangue, un objectif de poursuite de la maltraitance que vivent depuis trop longtemps bien des salariés de France Télévisions, nos gouvernants s’enfoncent dans un déni de réalité. Dans notre entreprise, tous leurs idéaux productivistes ont déjà été appliqués à la lettre, jusqu’à l’excès.

Faudrait-il encore, au nom de leurs dogmes du “new public management”, bref par pure idéologie, consentir à s’affaisser un peu plus ? 

Et s’il fallait se comparer au privé, quelle entreprise à but lucratif serait encore débout après un tel cycle d’austérité budgétaire ?

Que nos gouvernants prennent enfin la mesure de l’usure que chacun d’entre nous ressent.

Qu’ils prennent la mesure des difficultés qui s’accumulent pour chacun, chaque fois qu’un collègue part, qui en retraite, qui en maladie, qui voir ailleurs parce qu’il n’en peut plus, sans que l’on juge utile de le remplacer. 

Alors que nos JT ne parlent plus que d’inflation et de baisse du pouvoir d’achat… Il serait heureux et sain qu’ici comme ailleurs, nous puissions débattre de vraies questions, comme celle, centrale, de notre propre pouvoir d’achat, et du nécessaire rattrapage de nos salaires que la conjoncture impose, plutôt que de l’éventualité de nouvelles coupes sombres inutiles et dangereuses.

De ce mauvais feuilleton, reconduit de saison en saison depuis bien plus longtemps que « Plus belle la vie », les salariés sont plus que lassés… 

Nous les appelons solennellement à la plus grande vigilance, et les appellerons, le moment venu, à la mobilisation face à ce projet mortifère.


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