Stopper l’aveuglement au désastre…
Il y a des mots qu’on aurait aimé ne pas avoir à prononcer ici, parce qu’on aurait tous aimé que les mots qui les ont précédés, nos avertissements et nos alertes, aient eu le poids, l’écho nécessaire. Sur le transfert autoritaire de six émissions à une filiale, sur les angoisses engendrées pour tous les salariés concernés, sur les risques qui découlaient de ce projet pour chacun d’entre eux, tout depuis le premier jour avait été dit, sans être suffisamment entendu.
Et voici donc qu’il faut dire autre chose. Quelques mots d’abord, pour assurer l’une des nôtres de toute notre tendresse et de toute notre solidarité. Nous pensons à elle ainsi qu’à ses proches, et nous lui souhaitons un prompt rétablissement. Nous souhaitons aussi qu’au lendemain de sa tentative de suicide, toute la lumière puisse être faite sur d’éventuelles défaillances imputables à notre entreprise, afin qu’elles puissent être corrigées sans délai dans l’intérêt de tous.
Sans attendre les conclusions de cette enquête, la Direction a souhaité revoir sa méthode concernant le transfert de ses émissions vers sa filiale FTV Studio. Les apports à la filiale se feront désormais sur la base du volontariat. Nous aurions aimé, et nous sommes certains qu’il en va de même chez nos dirigeants, que ce changement de cap ne soit pas le fruit d’un événement si dramatique.
Partout dans l’entreprise, cette première prise de conscience en appelle bien d’autres. Celle qu’il n’est plus possible pour la plupart d’entre nous de continuer d’avancer durablement sans autre perspective que celle d’un interminable plan social, qui selon les aveux mêmes de notre présidente “dure depuis près de 10 ans”.
Ce désarroi face à une telle situation d’asphyxie budgétaire qui vide presque tous les services de l’entreprise, nombreux ont été les journalistes à l’exprimer il y a quelques jours seulement lors de l’assemblée générale de l’une de nos SDJ. Sans surprise, les ateliers “démocratie” ont fait long feu, et n’étanchent plus vraiment leurs inquiétudes.
Chacun à son poste, dans son service décimé par la longue litanie des collègues non remplacés puis par l’anémie de CDD, ressent cruellement à quel point le travail de rédactions en sous-effectif permanent s’appauvrit jour après jour, la nécessité de remplir s’imposant au détriment d’une pensée du temps long qui fait pourtant toute la substance et tout le sel du métier de journaliste. Ce qui dans le périmètre de l’information remet en cause les conditions de travail de chacun consume l’enthousiasme de tous et compromet gravement, pour finir, le fragile équilibre de notre modèle éditorial.
Il faut certainement une bonne dose de déni pour ne pas voir distinctement cette évidence.
Dans le monde réel, les réductions d’effectifs à feu doux, la déflation compétitive heureuse, ou le plan social dans la joie et la bonne humeur, tout cela n’existe pas.
Et nul salarié d’une entreprise “en plan social depuis près de 10 ans” ne sort indemne d’un tel désastre collectif.