La COVID 19 a fait couler beaucoup d’encre, aussi sur le sujet de l’aménagement des espaces de travail. Les open-space ont ainsi été questionnés : dans ces espaces, qui regroupent sans séparation plusieurs, parfois des dizaines de bureaux et donc de salariés, les mesures d’hygiène et de distanciation physique sont difficiles à respecter.
Des open-space, nous en avons à FTV : des salles de rédactions regroupant parfois une trentaine, parfois une dizaine de bureaux, des espaces partagés au siège pour les RH ; des aménagements qui pour certains datent et devraient être revus, et qui pour d’autres sont flambants neufs (siège, Rouen etc.). Des open-space qui remplacent les bureaux quand les bâtiments sont réaménagés, ou quand des sites déménagent…
Avec la crise sanitaire, le modèle de l’open-space est critiqué. Remis en question.
Mais pas à FTV.
Non, à FTV, on fait de la sémantique. Il n’y a pas d’open-space à France Télévisions, il n’y a que des espaces partagés ! Et, au passage, on nie la réalité : pas plus de 12 postes de travail dans un espace partagé, avec des zones de confidentialité et des zones de communication à disposition des salariés – nous dit-on. 12 postes de travail pour beaucoup plus de salariés que cela, puisque tous ne sont pas présents en même temps.
On ne va quand même pas attribuer des bureaux à des absents !
Et tant pis si le nomadisme au bureau engendre du mal être. Et on a décrété que les salles de rédaction, notamment, sont des espaces « nomades ».
On ? La direction. Pas les journalistes, qui ne sont même pas consultés.
Dans les nouveaux sites, 7 bureaux pour 10 personnes… le « flex office » qui libère de la place pour d’autres aménagements… salles de réunion, bulles pour téléphoner… Ce qu’on pourrait très bien faire à son poste de travail si celui-ci est correctement aménagé, par ailleurs…
Et de nous parler du « référentiel Workflex », qui sert à l’aménagement de plateaux avec des cloisonnements et des espaces de réunion. Et on va appliquer le « clean net », c’est à dire qu’avant de partir, on va ranger, quitter un poste de travail nickel chrome. Désinfection et ménage compris. Parce qu’on est « responsables » et qu’on fait du « desk sharing » (du partage de bureau).
Et on passe l’aspi avant de partir ?
Et de nous dire qu’on ne change rien aux projets existants : nos aménagements sont pensés « hors pandémie » ; et une pandémie, ça s’arrête un jour. Et donc, on refera comme avant.
Profiter de la crise sanitaire pour remettre en cause les modèles et doctrines passés ?
Ce n’est pas le genre de la maison, comprend-on.
On va rester sur la loi, qui ne dit pas grand-chose en l’espèce… Sauf en termes de qualité de l’air. Mais sur le bruit, le confort au travail, la dimension des espaces, rien.
Et puis les études sur l’acoustique, sur le bien être des salariés… On leur fait dire ce que l’on veut, explique le nouveau grand maitre des IMG de FTV.
Le workflex, c’est un espace qui permet l’efficacité. Et on nous jure qu’en aucun cas, il ne pourra servir de prétexte pour réduire les surfaces immobilières.
C’est marrant, pourquoi on n’en croit pas un mot ???
La CFDT connait les réalités du terrain et relaye les besoins des salariés.
Parce qu’au-delà des concepts, c’est de nous et de nos conditions de travail qu’il s’agit.
Le « workflex « , c’est quoi?
Un concept US… un concept fourre-tout, puisque « flexible“ et « agile“: le bureau 3.0
En termes d’organisation du travail : Des horaires variables ou glissants ; un temps de travail hebdomadaire sur 4 ou 5 jours ; une annualisation du temps de travail, du temps partiel, un temps plein partagé par plusieurs salariés (job sharing), le temps partiel « sénior », etc.
Le lieu de travail, « Flexplace » : télétravail total ou partiel, bureau en dehors de l’entreprise…
Le « Flex office », c’est la fin du bureau « sédentaire » et attitré, c’est la religion des usages nomades et de l’organisation collaborative. C’est moderne, agile, et surtout hors sol. Tout est misé sur les compétences numériques des salariés, sur leur adaptabilité et flexibilité. Des contraintes qui s’ajoutent au quotidien au travail, que le salarié doit maitriser seul, puisque les outils, clouds et connexions internet sont mis à disposition. Tais-toi, débrouille-toi, et travaille.
En France, le taux de vacance moyen d’un poste de travail serait de 40%. Les entreprises, pas folles, peuvent donc souhaiter la flexibilisation du travail et la réduction du nombre de postes de travail et des surfaces. Pour créer à la place des espaces multi fonctionnels et collaboratifs ? Ou pour vendre des bâtiments ou réduire les coûts immobiliers… En région parisienne, un poste de travail coûte entre 12 500 euros à 15 000 euros par an !
Donc : fini le bureau individuel et personnalisé avec la photo du chat ou le pot à crayon en pot de yaourt. L’idée : le collectif prime sur l’individu… Pour éviter la routine et développer la motivation. Parce que le salarié moderne, génération X – Y – ou Z, est nomade et zappeur. Et si vous avez 45 ou 55 ans, tant pis pour vous – rappelons quand même que l’âge moyen à FTV, c’est plutôt 50 ans que 25 !
L’espace est divisé en deux zones principales : un espace de travail sous la forme d’open-space, et un espace subsidiaire pour des salles de réunion informelles, des espaces détente, des cabines téléphoniques, des cabines de réunion, des espaces de concentration…
Tout le monde peut s’installer partout, selon ses besoins. La technologie permet aussi de réserver des espaces, de connaitre leur occupation, puisque des capteurs sous les tables détectent une présence. Des appli installées sur les téléphones mobiles permettent de connaitre, en temps réel et précisément, l’occupation de ces espaces.
Mais le workflex-flex office est déjà (presque) démodé ; il nous vient d’Australie et des Pays-Bas le concept de « Activity based working » (ABW) : dans les locaux, des sous-espaces sont à disposition pour effectuer des tâches précises et c’est l’activité qui détermine le lieu de travail. Le bureau veut être inspirant, créatif, innovant : c’est le « new way of working » !
Anglicismes et néologismes… Le travail est mis à la sauce « flex », et peu importe comment on les appelle, ces concepts évoquent une seule réalité : on impose des aménagements d’espaces, avec des conséquences sur les organisations du travail, les activités, voire les contenus produits, avec de nouvelles obligations et responsabilités pour les salariés, sans concertation préalable avec eux.
Le « flex office » prétend intégrer des notions de QVT (qualité de la vie au travail) ; mais les patrons de l’aménagement des espaces de travail devraient aussi entendre Marie Pezé, psychanalyste et spécialiste de la souffrance au travail : pour « un salarié, s’installer tous les jours dans un nouvel espace de travail, pas au même étage, pas avec les mêmes personnes, cela va représenter un stress, une fatigue supplémentaire ». Et Danièle Linhart, sociologue du travail, estime que le Flex-Office est un environnement de travail dans lequel chaque journée devient une épreuve, les salariés y sont dans l’apprentissage permanent.
C’est l’homme qui s’adapte au travail : un inversement de doctrine, insidieux, sous prétexte de modernité.
Evidemment, tout n’est pas à jeter dans ces concepts. Sauf que leur mise en œuvre doit aussi faire l’objet d’une réflexion sur le travail, les conditions et l’organisation du travail. Sur les objectifs de l’entreprise, les moyens mis en œuvre et à disposition. Et sur les hiérarchies, le management, les relations dans les collectifs.
Toujours et encore, la CFDT veut mettre ces sujets au cœur des débats avec la direction. Comptez sur nous