C’est le grand chamboule tout depuis la fin de l’été à FTV, les nominations se succèdent, certains changent de poste tout simplement, les uns partent, les autres arrivent. Ainsi, un nouveau directeur du dialogue social est nommé, un Jacques pour un Stéphane, cela change quoi, direz-vous…
Alors, simple mouvement orbital périodique autour d’une autre masse prépondérante ? Rien de neuf sous le soleil ? Peut-être que non. Peut-être que cette fois, il s’agit d’une révolution culturelle : une prise de pouvoir des experts en service commandé.
Pourquoi s’alarmer ? Parce que les dessous de la nomination de Jacques Denoyelle au poste de directeur du dialogue social ne sont pas clairs. L’ancien directeur en poste ne faisait donc pas l’affaire ? Peut-être parce que lui, il discutait avec toutes les OS, et pas seulement avec le syndicat partenaire habituel de la direction ?
Et pourquoi ne pas avoir écrit, dans le communiqué annonçant sa nomination, que Jacques Denoyelle était jusqu’à présent directeur associé de SECAFI, cabinet mandaté depuis des années par la majorité syndicale à la tête des ex CE et CSE de France Télévisions pour la réalisation d’expertises sur les sujets économiques, sociaux, santé ?
Le communiqué officiel, lui, ne mentionne qu’une activité pour le groupe Alpha, auquel appartient SECAFI. Quelle pudeur, de la part de la direction ! Le groupe Alpha, dont le PDG Pierre Ferracci affirmait à Mediapart en 2016 que « Ce qui fait la force de Secafi a toujours été son lien très fort avec la CGT, en même temps qu’une indépendance également forte » (28.02.2016, « Syndicats, avec ou contre les patrons ? Le dilemme des experts en entreprise ») … Pierre Ferracci, dont la presse relate les relations privilégiées et la proximité idéologique avec le Président de la République, Emmanuel Macron.
Si nous saluons la qualité des expertises menées par SECAFI, qui ont été essentielles pour nous dans la compréhension de beaucoup de dossiers ces dernières années, nous nous étonnons de la nomination à un poste de direction de celui qui travaillait aux côtés des représentants du personnel, avec des liens privilégiés avec la CGT de FTV. Une belle prise donc, puisque Denoyelle, qui connait parfaitement France Télévisions, saura parler à la CGT, son principal partenaire et donneur d’ordre à FTV.
Evidemment, nous sommes curieux : comment Jacques Denoyelle, qui a formé par ses interventions les élus présidents de commissions, secrétaires des ex CHSCT et CE, membres des bureaux des CSE ou rapporteurs de CSSCT, va-t-il se positionner, en tant que directeur du dialogue social ? Comment va-t-il gérer les amitiés anciennes et solides forgées par un long partenariat avec la CGT, et comment va-t-il parler aux autres organisations syndicales, qu’il a moins côtoyées ?
La CFDT n’acceptera pas que le directeur du dialogue social choisisse ses partenaires. Nous n’accepterons pas que dans le dialogue social, il y ait les « amis » et les autres. Que des informations ne soient pas données de façon équitable à toutes les organisations syndicales, que les dossiers soient préparés en amont avec les uns et pas avec les autres.
Avons-nous des a priori ? Mais évidemment, nous en avons ! Parce que nous savons que la neutralité, l’objectivité, c’est difficile quand on a tissé des liens depuis si longtemps.
Alors, quel est la véritable mission de Jacques Denoyelle : amener la CGT à signer, d’ici à 2022, des accords structurants sur les évolutions des métiers ou le temps de travail, en usant de ses relations privilégiées avec ce syndicat à FTV ?
Pas la peine de lui souhaiter la bienvenue à France Télévisions, Jacques Denoyelle y est chez lui depuis longtemps : on se demandait si SECAFI, omniprésent à FTV, avait des bureaux au Siège ; maintenant, on sait où ils sont : dans le bâtiment Valin, à l’étage du Dialogue Social.
Paris, le 21 octobre 2020